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Hong Kong. Mon Amour.

Des rêves! Toujours des rêves! Et plus l’âme est ambitieuse et délicate, plus les rêves l’éloignent du possible.

Chaque homme porte en lui sa dose d’opium naturel, incessamment secrétée et renouvelée, et, de la naissance à la mort, combien comptons-nous d’heures remplies par la jouissance positive, par l’action réussie et décidée?

Vivrons-nous jamais, passerons-nous jamais dans ce tableau qu’a peint mon esprit, ce tableau qui te ressemble?

 

C’est l’été, ça explose dans les têtes et ailleurs…

«  Chaque jour, je suis assis à ma fenêtre. Mes longues-vues sont mon microscope. A travers elles, je vois des mouvements chez les gens dans la rue que d’habitude on ne reconnaît pas. Là un minuscule tressaillement, là-bas une pauvre plainte, ici un tapage insignifiant. Si je zoome sur la douleur des gens, il y a un moment où elle va me gagner. Je sais que cet instant viendra. Il y aura alors des représailles, et mon histoire aura une fin. » Jens Steiner | Carambole, Ed° Piranha, p. 85

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C’est bientôt les vacances. Des jeunes gens indolents s’ennuient sous un arbre. Il fait déjà très chaud et aucune perspective attrayante ne se dessine. L’un d’entre eux, Fred, pense à Renate, une jeune fille aux formes affolantes. Que fait-elle en ce moment ? Est-elle sur cette chaise longue en bikini, en train de se faire dorer au soleil ? En fait, Renate n’est pas du tout là où il le pense.

Fred et ses amis sont pétris de «désirs secrets» et ce ne sont pas les seuls. Tout ce village anonyme de Suisse alémanique est comme eux. La mère de Renate, son père, les mystérieux membres de la «Troïka», l’étrange Freysinger dont on squatte le jardin, tous les personnages jouent un jeu personnel et secret. Les aspirations de chacun – souvent devenues amères et désillusionnées – sont invisibles aux yeux des autres.

Dans ce roman, chaque histoire individuelle éclaire un aspect de l’existence des habitants du village et lie les personnages entre eux. Tantôt ils s’avancent au premier plan, puis reculent pour réapparaître quelques pages plus loin. L’apparente immobilité du quotidien se confronte aux changements du paysage commun – des enseignes disparaissent, des nouveaux quartiers se construisent – et aux événements dramatiques qui surgissent au fil du texte.

Pour dessiner ce petit monde, Jens Steiner adopte un dispositif redoutablement habile. Construit en douze « rounds », le roman offre, à chaque chapitre, une nouvelle focale, un nouveau cadrage au lecteur.

L’auteur monte ainsi une vaste partie de Carambole (une sorte de billard qui se joue sur un plateau de bois) littéraire  où l’histoire de chacun ricoche, à un moment donné, sur celle des autres.

La construction narrative de ce récit kaléidoscopique est ambitieuse. Jens Steiner, dans une chronologie désordonnée, sème des indices, des petits détails en apparence inutiles, sans importance. C’est au lecteur de percevoir ces infimes traces pour composer le puzzle et d’intercepter le cri lancé par les personnages. Cri qui résonnera en écho dans l’histoire des autres.

Chacun des chapitres, tout en demeurant autonome, forme un magnifique « tout », une peinture sans concession d’une société qui s’effrite.

Le lecteur, d’abord dérouté, s’accroche, veut comprendre, veut tout éclaircir pour avoir enfin une vision panoptique du village. Mais, comme pour les personnages du roman, le réel ne sera jamais entièrement déchiffrable, pas plus que les motivations profondes des uns et des autres.

Il y a un véritable plaisir de voyeur et de joueur à plonger dans ce roman. Comme si, observant vos voisins, ou vous intéressant à des passants un peu curieux – à l’image du photographe alité d’Alfred Hitchcock dans « Fenêtre sur cour » ou son confrère de « Blow up », filmé par Michelangelo Antonioni –, vous vous mettiez à imaginer tout un scénario à partir de quelques indices. Y a-t-il eu crime ? Y a-t-il eu une grosse explosion ? Peut-être, certainement… mais rien n’est sûr.

« Carambole » est un récit d’une grande puissante narrative et poétique; la manière distanciée dont Jens Steiner décrit la culpabilité et la honte nous touche par sa justesse.

Alors, si vous faites partie de ces lecteurs exigeants, à la recherche d’une narration originale, ce roman est fait pour vous !

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Jens Steiner, né en 1975 à Zurich et formé à la philosophie et à la littérature, a décroché, en 2013, pour son second roman, « Carambole », le Schweizer Buchpreis, qui récompense, chaque année, depuis 2008, un livre suisse en langue allemande.

C’est la remarquable jeune maison d’édition Piranha qui publie en français ce texte original, dense et poétique. Traduction assurée par François et Régine Mathieu.

La bibliothèque numérique de la BnF fait peau neuve

Après dix-huit années d’existence, Gallica, la Bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France (BnF) se renouvelle. Graphisme, simplification des fonctionnalités de recherche et de consultation des documents : elle vise plus de modernité grâce notamment à l’optimisation de la lecture sur tablette et à l’accessibilité de l’outil sur smartphone sur iOS et Android.

Ce sont trois millions de documents qui sont ainsi mis à disposition en accès libre et gratuit, dont près de 850 000 images et 614 000 livres, 39 000 partitions de musique ou encore 34 000 enregistrements sonores. Parmi les plus d’un million et demi de fascicules de presse consultables en ligne, vous aurez accès à L’Aurore du 13 janvier 1898, avec le célèbre «J’accuse» d’Emile Zola en « Une ».

La refonte du site a été réalisée avec les « Gallicanautes», utilisateurs de Gallica, qui ont été directement impliqués dans sa nouvelle version. Ils ont pu la tester pendant plusieurs mois sur la plate-forme Gallica Labs et leurs suggestions ont été prises en compte pour améliorer certaines fonctionnalités.

Pour ma part, j’y ai déniché une importante collection de jouets de Noël en papier datant du début des années 1900, tous magnifiquement illustrés et certains étrangement inappropriés pour les enfants …

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gallica.bnf.fr

Paris: Fluctuat Nec Mergitur

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Sandrine Virginie HILAIRE

Qui A Tué Roland Barthes?

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Le point de départ du dernier roman « La septième fonction du langage » de Laurent Binet est la mort de Roland Barthes, renversé par une camionnette de blanchisserie, le 25 février 1980. L’auteur part du postulat suivant : il s’agit d’un assassinat dont le coupable évoluerait dans les milieux intellectuels et politiques de l’époque. Il va alors déployer le récit d’une enquête policière, un réjouissant thriller, déjanté et très intelligent qui se moque de tout, surtout des vanités et des impostures.

L’histoire se concentre autour d’un document – la septième fonction du langage -,  prétendument détenu par Roland Barthes et disparu après son accident, qui serait capable de donner à son détenteur un pouvoir insurpassable : la maîtrise du discours, faculté permettant à celui qui la domine de prendre l’ascendant sur son interlocuteur… et sur le monde.  Un an avant l’élection présidentielle de 1981, mettre la main sur cette formidable arme linguistique ne peut qu’intéresser les giscardiens, les mitterrandistes et les diverses factions politiques de tous les mouvements libéro-capitalistes d’un côté et socialo-communistes nationaux et internationaux de l’autre.

Le lecteur est alors projeté dans un tourbillon d’actions et de contre actions, et se promène dans le petit monde de l’intelligentsia des années 80. Il y côtoie Philippe Sollers, bouffon cocasse, Julia Kristeva, sacrificatrice aux yeux noirs, Louis Althusser et son épouse jusqu’à ce qu’il la tue, mais aussi BHL (« Le lecteur, glisse Laurent Binet, s’étonnera peut-être de la présence de BHL mais déjà à cette époque, il est dans tous les bons coups »), Gilles Deleuze, le sémillant sémiologue, Jacques Derrida qui fait cavalier seul, Umberto Ecco, grand ordonnateur de débats rhétoriques, Michel Foucault, amoureux fragmentaire… rien que du beau linge !

Le commissaire Jacques Bayard et le sémiologue Simon Herzog vont donc mener l’enquête parmi la crème de ce milieu intellectuel français, microcosme allumé des structuralistes en pleine déconfiture, et finir par découvrir l’existence du Logos Club, société secrète (où s’affrontent les aficionados des lettres), dotée d’une hiérarchie bien huilée pour un enjeu de taille : se hisser vers les sommets.

« La septième fonction du langage » est un livre jubilatoire, audacieux et didactique. Il rengorge à la fois de détails qui le replacent parfaitement dans la période des années 80 et d’éléments intelligibles et accessibles sur la sémiologie.

Quant au style et à la tonalité de l’ouvrage, ils tirent leur performance d’un bel équilibre entre drôlerie et nostalgie.

On aime aussi la mise en abîme du personnage et la démarche métadiscursive adoptée peu à peu par Laurent Binet. Effectivement, en résonnance à l’intrigue, le texte s’interroge sur sa propre nature. Le personnage de Simon Herzog finira par se questionner sur lui-même et se battre contre son auteur : se trouve-t-il dans la vraie vie ou dans un espace romanesque ? L’auteur va-t-il le tirer du mauvais pas où il se trouve, ou bien sa dernière heure a-t-elle sonné ?

C’est une évidence, l’auteur joue très habilement avec son lecteur. Et ça fonctionne !

Pas de doute, Laurent Binet réalise là un véritable roman de maître.

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Laurent Binet, 43 ans, a publié HHhH (2010) et Rien ne se passe comme prévu (2012, sur la campagne de François Hollande). Il a été professeur de lettres pendant dix ans dans le secondaire en Seine-Saint-Denis. Il a aussi été chargé de cours à l’université, notamment à Paris-8 (ex-Vincennes), en sémiologie.

Won Sou-Yeol: The Art Of Korean Abstraction

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Based in France since 1984, Won Sou-Yeol was born in a small town on the island of Chejudo in South Korea. This place between land and sea has nurtured her inspiration through the strength of the natural elements, which are to be found in her painting. Her work is imbued with dynamism and power marked by the contrast between black and white, light and shadow. Master of calligraphy, she mixes her technical spontaneity with a large and concentrated gesture. Like a dance where cracks and splashes are created.

“I kept my strength. I was not talking to anyone. I was not sleeping. “.

The work and the artist are one. Won Sou-Yeol is devoted entirely to her art. At the point that she said that one day, while she was painting, she wanted to look at the clock. Three years had elapsed. Won Sou-Yeol wants to free herself of something that belongs to her. Her work is a weapon of freedom both strong and light. It enables to access the immaterial world that fascinates her.

The painting of Won Sou-Yeol expresses movement. Using different tools she produces a canvas, both heavy and light with raw and living material. This is the art of calligraphy that is shaped by a light brush stroke. This creation process is revealed mostly by contrasting with the dynamism and the apparent quick creation that emerges.

“It took me a long time, long time (…) At least three years.”

We find in the work of Won Sou-Yeol the principles of abstract expressionism . She is often associated with artists such as Hartung or De Kooning and cites Kline as one of the artists who most influenced her. Their works are defined by spontaneous and intense movement. Kline, as Won Sou-Yeol, uses the canvas as an essential element of the work composition. Both work in black and white and are inspired by the art of calligraphy. Won Sou-Yeol is sometimes associated with lyrical abstraction which Hartung is one of the precursors.

Her painting is mineral and her gestures, footprints of a calligraphic abstraction.

More about Won Sou-Yeol http://bit.ly/1Thd6BU

 

Hong Kong, mon Amour

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Message Personnel.

Voici maintenant près de 7 mois que je vis à Hong Kong. Cette ville et ses habitants me fascinent toujours autant.

Hong Kong est une ville unique au monde parce qu’à mon sens, elle est ce parfait point de basculement entre l’Ouest et l’Est. Elle vous est à la fois totalement familière et totalement étrangère.

C’est une jungle urbaine où l’on peut étouffer de chaleur mais avec des plages magnifiques où l’on peut passer des journées inoubliables.

Elle est à la fois très chinoise et pas très chinoise. Elle fait partie d’un pays communiste tout en étant l’économie la plus libérale du monde. Très riches. Très pauvres. Elle est à la fois très belle et très laide. Hong Kong est tout et son contraire. Voilà en quoi elle me fascine. C’est une ville dont se dégage une sensuelle virilité tandis que la feminité de ses habitantes vous frappe au premier abord.

A Hong Kong, tout est possible et rien ne l’est.

Qu’est-ce qui a construit cette ville? La colonisation britannique avec ses guerres de l’Opium bien entendu. La rétrocession à la Chine qui a pourtant gardé ce bijou de l’ultra-libéralisme intact. Toujours tournée vers le monde, Hong Kong, mon Amour est pourtant en train de muter. Juste sous mes yeux.

Hong Kong n’est plus tournée vers le monde. Elle ne regarde plus que la Chine et ses possibilités de croissance. Hong Kong est en train de devenir chinoise, ne courtisant plus que cette Chine continentale qu’elle abhorre pourtant de tous ces mots et qu’elle rend responsable de tous ses maux (1).

Hong Kong ne recrute plus que des personnes qui parlent mandarin. Hong Kong exige désormais pour le moindre poste un chinois mandarin courant . Parlant, si je puis m’exprimer ainsi, lorsque l’on sait qu’à Hong Kong, on ne parle pas mandarin mais cantonnais. Cela signifie que le marché est entièrement tourné vers la Chine continentale, l’anglais n’étant même plus si utile en vérité (2).

Voilà plusieurs personnes que je vois repartir qui en Europe, qui aux Etats-Unis, qui s’expatriant dans un autre pays, parce qu’ils ont senti cette mutation. Et savent déjà que dans quelques années, leur poste sera pris par quelqu’un parlant le mandarin couramment. Plus d’évolution de carrière possible. Plus d’avenir. Alors, ils partent. Tant qu’il en est encore temps.

Faites ce simple exercice de parcourir les petites annonces. C’est assez éloquent. Plus un poste, quelle que soit l’industrie où le mandarin ne soit exigé.

Vous ajoutez à cela le fait que l’anglais soit exigé également et vous devinez aisément à qui tous ces emplois sont en réalité destinés : la diaspora chinoise.

Ces millions d’américains, d’anglais et de canadiens d’origine chinoise que l’on nomme ici respectivement, ABC, BBC et CBC (American Born Chinese, British Born Chinese and Canadian Born Chinese). Nombre d’entre eux sont également australiens.

Si un natif de Hong Kong peut tirer son épingle du jeu en ayant eu la possibilité d’étudier dans des pays anglo-saxons, on comprend bien qu’il ne parle pas forcément mandarin. Puisque sa langue natale est le cantonnais.

Il n’est bien sûr pas ici question de regretter les temps coloniaux où tous les postes de management étaient détenus par des dignes sujets de Sa Majesté la Reine d’Angleterre. Ces temps sont détestables et je ne les regrette pas pour ma part.

On peut tout simplement regretter qu’Hong Kong ait pris un chemin différent, exclusivement tourné vers la Chine tandis qu’elle devrait être tournée vers le monde entier! Etonnant pour une telle place financière de ne pas appliquer de simples principes de diversification de l’investissement ou de simple prudence.

Sans vouloir m’essayer à des prophéties idiotes, j’imagine cependant très bien que dans quelques décennies, c’est Singapour qui sera devenue cette ville foissonnante et multi-culturelle, brassant des gens aux cultures fondamentalement différentes, venus du monde entier pour apporter ce qu’ils sont.

On peut me rétorquer qu’un américain parlant mandarin est différent culturellement d’un anglais ayant le mandarin comme langue maternelle. Bien sûr. Mais il l’est plus encore d’un italien, d’un coréen ou d’un colombien. Et c’est le brassage des différences par la confrontation qui crée l’innovation.  Pas l’uniformisation.

C’est ce métissage pluri-culturel qui a fait de Hong Kong ce qu’elle est aujourd’hui.

Demain, je crains que ce métissage ne soit plus qu’uniforme et sans saveur, donc inexistant.

(1) http://edition.cnn.com/2015/03/03/china/hong-kong-china-conflict/

(2) http://www.scmp.com/comment/insight-opinion/article/1819092/hong-kong-must-not-sideline-english-language?page=all

L’Art de l’Amour

Artists Marina Abramovic and Ulay started an intensive love affair in the 1970s, performing out of a van they called home.

When they ended their relationship, they decided to walk the Great Wall of China, each from one end, meeting for one last embrace in the middle.

That was the last time they saw each other.

In 2010, as part of a MoMA retrospective, “The Artist is Present”, Marina shared a minute of silence with each stranger who sat in front of her.

On opening night, Ulay arrived without Marina knowing….